Le 26 octobre 2009, j’avais écrit une tribune sur Bayrou. Je vous la ressers avec quelques suppressions, le monde politique ayant sérieusement évolué depuis 16 ans. Lors d’un entretien avec Jean-Pierre Elkabbach, Bayrou expliquait à une France éperdue d’admiration ce qu’il allait faire lorsqu’il serait au pouvoir… Ce qui est drôle, c’est de relire ses déclarations de l’époque à l’aune de ses propositions budgétaires actuelles.

Bayrou se produisait donc sur Europe 1 un dimanche matin, dans l’émission politique d’Elkabbach. A l’écouter, parce qu’en plus il parle beaucoup (pour en définitive ne pas dire grand-chose - il est normalien, c’est la seule excuse que je lui trouve), la France est entrée carrément dans une ère glaciaire depuis Sarkozy. Les critiques du PS, du PC, du NPA ou du PdG (parti de gauche) semblent pétales de rose à côté des missiles à tête nucléaire qu’il envoie à jet continu tous azimuts. Sachez-le, bonnes gens, en France tout va de mal en pis, mais quand lui, Bayrou, sera au pouvoir (parce qu’il n’en doute pas une seconde), la France, ce sera le Paradis sur Terre. Bayrou, c’est la nouvelle espérance. Jeanne d’Arc, Louis XIV et de Gaulle réunis, une synthèse du Père, du fils et du Saint Esprit, amen !
Je ne sais pas ce que vous ressentez pour lui, mais pour moi, tout sonne faux chez Bayrou. Il aime tout le monde, mais il passe son temps à étriller tout ce qui n’adore pas Bayrou. Il se proclame le plus grand rassembleur de l’Univers, tous ses fidèles le quittent dégoûtés. Il se veut le héraut d’une politique pure et transparente, aux élections il s’allie tantôt à droite, tantôt à gauche, en expliquant, sans rire, qu’il y a des hommes de qualité partout. Si ce n’est pas de la combinazione, c’est quoi ? C’est du Bayrou ! Et puis cette prétention qui m’horripile à être l’arbitre des élégances : je dis ce qui est bien à droite, je dis ce qui est bien à gauche, et inversement. Mais qui lui a attribué cette fonction ? Pour qui se prend-il, ce pédant pompeux ? En quoi Bayrou saurait mieux que tout le monde ce qui est le bien et ce qui est le mal ?
Toujours pendant l’interview sur Europe 1, après que Bayrou se soit largement étendu sur toutes les occasions manquées par Sarkozy dans la crise, un journaliste apparemment excédé lui dit « bon, on le sait, vous êtes le champion de la critique, mais vous, qu’est-ce que vous auriez fait ? ». Roulement de tambour. Bayrou tourne autour du pot, comme d’habitude, ménage ses effets, avec circonvolutions, digressions, tacles assassins, contrepieds… Enfin arrive sa grande mesure, suspense insoutenable, attention, tenez-vous bien, ça va décoiffer : « il faut inscrire dans la constitution l’interdiction des déficits publics de fonctionnement » (si vous insistez, je vous expliquerai un jour pourquoi cette mesure apparemment de bon sens ne sert strictement à rien). Avec Bayrou, nous sommes sauvés. Plus de déficit, plus de dette, le bonheur. Merci Bayrou.
Le deuxième éclairage touche à ses enfants. Je ne tiens pas particulièrement à mêler les enfants de Bayrou à ma détestation de leur père (enfin, détestation… n’exagérons rien, j’ai autre chose à faire), mais enfin, c’est lui qui en a parlé dans le Point il y a quelque temps. Bayrou se proclame farouche défenseur de l’égalité des chances pour tout le monde, sans la moindre exception. Il trouve l’affaire Jean Sarkozy (nommé président de l’Établissement Public d’Aménagement de la Défense, fonction non rémunérée) particulièrement significative de la déliquescence du pouvoir. Lui ne ferait jamais ça, on l’a bien compris (et Najat Vallaud Belkacem nommée à la Cour des Comptes, entre autres ?). Seulement il y a un petit problème : dans l’interview au Point, se laissant aller à son contentement de soi habituel, l’ex-ministre de l’Éducation Nationale avoue qu’il est très fier de ses six enfants, qui font ou ont tous fait des grandes écoles ! Bravo monsieur Bayrou. A qui allez-vous faire croire que c’est en leur faisant suivre le cursus de l’école de la République, en respectant scrupuleusement la carte scolaire et en ne donnant pas de-ci de-là un petit coup de pouce peu égalitaire à votre chère progéniture que vous avez réussi à hisser tous vos petits Einstein –sans exception- à ce niveau d’excellence ?
Dans le temps, on appelait ce genre de personnage un « faux-cul ». Aujourd’hui on l’appelle monsieur le Premier Ministre… O tempora, o mores !