Le Domaine des Caroubiers - IX -

Publié le 7 avril 2025 par Cercle Algérianiste d’Aix en Provence

Ma tante, Edith VIVIER née CHATAIN, était très dynamique ; elle est décédée à 101 ans !

Mon oncle, Paul VIVIER, au retour d’Algérie, a acheté une petite propriété agricole d’une dizaine d’hectares , dans la commune de Lorgues , dans le Var , le domaine viticole Saint-Jean-Baptiste qu’il a remis en état , avec son épouse et ses deux fils et y a même construit une cave.

La création de notre école, à Maison-Carrée, sur le plateau de Belfort, à 12 kms d’Alger, date de 1905 , mais c’est par arrêté du 28 février 1921 , qu’elle est devenue Institut Agricole d’Algérie et pouvait supporter très avantageusement la comparaison avec les grands établissements d’enseignement supérieur agricole de la métropole et de l’étranger. Les professeurs, chefs de laboratoires, prenaient une part plus active aux travaux de recherche et d’expérimentation intéressant l’agriculture nord-africaine. Les domaines de l’Institut s’étendaient sur 215 hectares . Notre école était réputée pour son bal de fin d’année scolaire, au bord de la grande piscine, avec la venue d’artistes mondiaux comme le chanteur Jacques BREL.

Plusieurs amphithéâtres (le plus vaste, pouvait recevoir 300 personnes) étaient dotés des derniers perfectionnements audio-visuels, accueillant promotions et visiteurs.

Les différents laboratoires propres à chaque chaire, possédaient chacun leur matériel (microscopes, collections). Celui de l’œnologie était une véritable « Station Œnologique d’Algérie avec son casier vinicole et sa Cave expérimentale, qui, en 1949, fut un don d’agriculteurs éminents, les fils de Jean GERMAIN (qui fut Maire de Mouzaïaville ) Jacques et Jean-Baptiste, cousins de ma belle-mère , Noëlle BONTHOUX. C’est dans cette cave expérimentale unique au monde, que monsieur Ernest BREMOND, ingénieur agricole de Maison-Carrée et docteur ès Sciences, assurait l’enseignement de la vinification moderne. Avec ses collaborateurs, il est à l’origine de très nombreuses innovations dans ce domaine et a concouru au progrès de la vinification dans tous les pays chauds.

Les GERMAIN
C’est une famille de viticulteurs originaire de Bourgogne, qui, de la Côte-d’Or est descendue dans le département de la Saône et Loire, où est né Jacques GERMAIN, à Saint-Sernin-du-Plain, et qui va acquérir une concession d’un terrain de 10 hectares à Mouzaïaville en 1852. C’est là où il meurt en 1864. Son fils Pierre va devenir l’un des plus anciens colons de la Mitidja.

Veuf à 25 ans d’Anne-Françoise CAZES de Lodi, sur la commune de Médéa, dont il a eu 2 enfants mais décédés en bas âge , Pierre GERMAIN s’est marié ensuite , en 1859, avec Catherine-Elise LOMBARD , née en Côte-d’Or , et ils ont eu 16 enfants , dont seulement 9 arriveront à l’âge adulte. L’ arrière-grand-père de Pasquale , mon épouse, est décédé le 26 juillet 1905 à Mustapha Alger. La Dépêche Algérienne a relaté ses obsèques à Mouzaïaville, dans les termes suivants : « …C’ est alors qu’utilisant les petites économies qu’ à force d’ un travail opiniâtre, il avait réussi à réaliser, il acquit à Mouzaïaville , quelques concessions que leurs titulaires avaient négligé de mettre en valeur. Il dut se livrer à un travail qui avait fait reculer les meilleures volontés. Bientôt et aux yeux étonnés de tous, 200 hectares de broussailles touffues furent défrichés et de superbes céréales poussaient à la place des palmiers improductifs…Un moment vint, où il comprit que l’activité dont il avait fait preuve devait se continuer en ses enfants dont quelques-uns étaient déjà grands. Il eut alors l’idée d’utiliser leurs aptitudes en acquérant dans un pays malsain, que tout le monde redoutait, 1 100 ha de terres en plein pays de marécage , bordé par le lac HALLOULA . Aussitôt, sous sa direction de tous les instants, les tamarins et les pailles des marées disparaissaient pour faire place encore aux céréales. Ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à un résultat."

Sept enfants enlevés par les fièvres paludéennes furent le premier tribut qu’il paya à la colonisation de cette contrée. Mais il lui restait sept fils et deux filles, la plupart en bas âge. Sans se décourager, tenant tête aux malheurs de famille et aux manques de récoltes, Pierre GERMAIN fût un des premiers à planter de la vigne dans des terrains marécageux, qui jusqu’alors, n’avaient engendré que la fièvre.

Il eut cette double satisfaction d’assainir en grande partie un territoire immense et de réussir au-delà de ses espérances au point de vue de la fécondation du sol 600 ha de belles vignes témoignent de son activité .

Tout cela ne se fit pas sans d’amers déboires ; mais courageux, confiant en l’avenir, rien ne l’arrêta, et c’est à son énergie, à son travail incessant qu’il doit d’avoir pu mourir en toute tranquillité, fier de son œuvre, après avoir honorablement établi ses deux filles et ses sept fils qui suivront ses traditions forts de l’exemple qu’ils ont reçu de leur vénéré père. »

Ce n’est qu’un petit nombre de ces hommes et ces femmes courageux qui ont créé le vignoble français d’Algérie .

FIN

Jacques SOLARI